Je m’appelle Guillaume Tanguy.
Comment t’es tu retrouvé au fablab?
Moi et Mathieu, un ami de longue date, avons toujours été « bricolo » chacun de notre côté, mais sans jamais concrétiser quoi que ce soit, sans se rendre compte de ce qu’il y avait derrière comme potentiel si l’on réunissait nos savoirs.
Il se trouve qu’il y a deux ans, on s’est croisé à la Maker-Faire de Nantes. Il présentait le projet du Bluelab de St Nazaire… Je connaissais déjà les fablabs, j’ai donc tout de suite adhéré à ce lieu où on trouve autant de richesses rassemblées.
Est-ce que tu vis à Saint-Nazaire?
Oui je vis à Saint-Nazaire, à Saint-Marc-sur-Mer.
Y travailles tu aussi ?
Oui, j’y travaille aussi, dans un laboratoire de recherche, je fais une thèse de doctorat sur l’extraction d’huile de microalgue pour des applications cosmétiques, alimentaires ou bio-carburants.
As tu déjà des projets spécifiques que tu as commencé ici, ou que tu voudrais réaliser ici ?
Dans le cadre du Bluelab ce que j’aimerais bien développer, c’est notamment des outils d’analyses scientifiques qui soient accessibles au grand public. Comme par exemple un microscope. Si on met une lentille de pointeur laser sur la caméra d’un téléphone, on obtient une loupe numérique. Pour 10 centimes, on a déjà accès à un monde microscopique que l’on ne peut pas voir autrement. Sortir le matériel scientifique des tours d’ivoires des laboratoires. C’est la recherche qui rend indigeste la science pour le grand public et l’industrie qui propose des prix exorbitants comparé à ce que l’on peut déjà faire soi-même (DIY=Do it Yourself/Faire soi-même). Réussir à faire partager ces technologies au grand public, pour que les gens puissent se les approprier et se dire : « La science en fait, ce n’est pas compliqué ! Moi aussi à mon échelle je peux le faire, je peux savoir si l’air est respirable, si le produit que je mange va contenir des pesticides, etc… je peux sonder et comprendre mon environnement ».
Quelles sont ces microalgues dont tu parlais ?
Dunaliella salina, c’est une algue qui donne une couleur rouge, aux marais salants l’été. On en voit davantage en Camargue qu’à Guérande, elle vit très bien aussi dans les marais salants en Tunisie par exemple. Par 40°C-45°C, avec une grande intensité de lumière, une très grande salinité et peu de nutriments, dans un environnement extrême.
Est-ce que ce sont ces algues qui donnent la couleur rose à la fleur de sel ?
Cela peut-être aussi des bactéries qui donnent cette couleur là. C’est notamment cette algue (Dunaliella salina) qui donne la couleur aux flamants roses au travers des crevettes qu’ils mangent. Je travaille sur ce sujet, car ses pigments, le béta-carotène en l’occurrence, a une plus forte valeur ajoutée que l’huile pour faire du bio-carburant. Mais le processus d’extraction est le même… Bref je vous passe toute la théorie, comment extraire ce qu’il y a à l’intérieur de la cellule le plus facilement possible… Je vais soutenir d’ici six mois.
Revenons à tes projets au Bluelab, aimerais tu que cela interpelle d’autres personnes pour participer à des ateliers, des animations, obtenir de l’aide ?
Oui, par exemple quelque chose de très sympa à faire : c’est aller à la mer, prendre des échantillons d’eau de mer dans différentes villes, et puis les regarder au microscope et voir les différences. Si tu regardes une goutte d’eau de mer au microscope, tu vas voir des diatomées, des petites bêtes qui bougent, des petites bêtes qui en mangent d’autres, moi j’ai accès à cela, je le vois tous les jours… (Cf : Photo en bas de page) Le résultat va être dépendant du moment de la journée, de la saison mais aussi de la pollution et du climat.
Peut-être que cela interpellera de voir l’eau vivante, d’avoir un autre regard et de s’investir pour la protéger ?
Moi je vois une certaine beauté dans toutes ces petites choses qui sont en équilibre et en interaction entre elles. En particulier les microalgues, on en trouve partout, elles sont à la base de la chaîne alimentaire dans l’eau, elles ont apporté l’oxygène sur terre il y a 3,5 millions d’années et elles continuent aujourd’hui encore à nous fournir la moitié de l’oxygène qu’on respire. Cela nous remet à notre place, on se sent très petit à notre tour, cela nous met à l’esprit qu’il y a plein de choses qu’on ne connait pas et qu’il faut préserver, parce que sinon on ne les verra plus…
En terme de fabrication numérique tu as l’air assez calé en impression 3D ?
Cela fait deux ans que je me suis mis à l’impression 3D. J’ai démarré avec une machine française c’était super pour découvrir le process. Moi ce que je voulais c’était un outil qui puisse imprimer ce que je veux, pour faire du prototypage par itération ou par essais/erreurs successifs, mettre au point des designs pour réaliser tous mes projets. Je le vois plus comme un outil de prototypage que comme un hobby.
Comment verrais tu le Bluelab se développer ?
Je me suis toujours ennuyé à l’école, aujourd’hui je comprends pourquoi. Parce que rester pris en otage sur ma chaise toute la journée… à écouter quelqu’un sortir sa science ça ne marche pas. Il faut mettre les mains dans le cambouis pour comprendre, il faut explorer par soi-même. Moi je pense que l’on apprend beaucoup mieux en expérimentant. Et en même temps on ne devrait pas avoir à résoudre deux fois le même problème chacun de notre côté. Le monde d’aujourd’hui est en train de changer et je ne suis pas sûr que dans vingt ou trente ans l’éducation et même la recherche, d’un bout à l’autre du monde académique, fonctionneront de la même manière. Je pense que cela sera beaucoup plus poreux, on voit de plus en plus de projets libres de droit (open-source) et de programmes de sciences citoyennes attirer l’attention de la communauté scientifique. Et pour cause, il faut se nourrir de l’intelligence collective, parce qu’une équipe avec des formations très différentes cela démultiplie les possibilités !
Merci Guillaume !